Lorsque le monde entrait en plein dans la pandémie du COVID-19, certains disaient qu’il y aurait un avant et un après. Aujourd’hui, cela se confirme, car cette pandémie mémorable semble marquer la fin du “golden ticket”. Il y a encore 10 ans, en effet, le secteur de l’informatique était vu comme pourvoyeur sans faille d’un avenir radieux. La Silicon Valley et ses évangélistes, relayés par les médias et les écoles, martelaient aux jeunes « Apprendre à coder, c’est l’avenir assuré ». Un message qui se révèle être une sentence implacable en 2025, car des milliers de jeunes diplômés de la génération Z se retrouvent au chômage, impuissants face à un marché saturé et entièrement bouleversé par l’arrivée de l’intelligence artificielle.
Ils ont joué selon les règles qu’on leur a données… et les règles ont changé en plein jeu
C’est dans leur récent podcast, The Daily, que des journalistes de The New York Times ont remis sur la table un problème très présent depuis des mois. Pour introduire le sujet, Michel Barbaro se souvient : « Au cours de la dernière décennie, un message simple a été transmis à toute une génération d’étudiants américains : si vous apprenez à coder et obtenez un diplôme en informatique, vous trouverez un emploi avec un salaire à six chiffres. Mais comme l’a découvert ma collègue Natasha Singer, des milliers d’étudiants qui ont suivi ce conseil se rendent compte aujourd’hui que cette promesse était vaine. ».
Pour comprendre le phénomène qu’il évoque, il faudrait voyager dans le temps. Nous sommes au début des années 2010, le secteur informatique américain est en plein essor, les chiffres montent, mais la concurrence asiatique évolue aussi. C’est alors que les présidents exécutifs de Google et de Microsoft montent au créneau : les USA pourraient perdre leur domination technologique s’ils ne formaient massivement de nouveaux programmeurs. La promesse était claire : apprendre à coder garantit un meilleur salaire que tout et assure un avenir radieux. C’était le golden ticket.
En 2013, l’affaire prend une autre proportion avec l’association code.org. Elle devient rapidement la vitrine de cette campagne de séduction. Avec ses vidéos dans lesquelles apparaissent des gens comme Bill Gates, Mark Zuckerberg et autres, l’association attire des millions d’élèves et transforme le code en phénomène culturel à travers plusieurs initiatives.
Conséquences ? Le nombre d’élèves dans les écoles augmente : en 2023, on comptait 170 000 étudiants en informatique, soit trois fois qu’en 2012. Plus encore, des bootcamps sont créés pour initier massivement un public plus âgé et des MOOC tels que Coursera rapprochent la formation de ceux qui sont loin.
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Un diplôme prestigieux sans emploi : le désenchantement de toute une génération sacrifiée
L’après COVID-19 semble avoir marqué la fin du golden ticket. Aussitôt que la pandémie a connu son épilogue, les grandes entreprises ont enchaîné avec les licenciements massifs. De Microsoft à Google en passant par Meta, X, Amazon et tout le reste. Aucun secteur n’a été laissé pour compte, les jeux vidéo et les réseaux sociaux ont connu le même problème.
Au début de ces licenciements, certains avaient argué que les géants du web se séparaient du grand recrutement qu’avait entraîné la pandémie. Mais les chiffres sur le chômage ont tôt fait de révéler le problème. Selon un rapport de la Banque fédérale de réserve de New York, le chômage est plus élevé chez les diplômés de 22 à 27 ans en informatique et en génie informatique. Respectivement, ils connaissent un taux de chômage de 6,1 % et 7,5 %. En comparaison avec leurs homologues en biologie ou en histoire de l’art, ils dépassent le double.
Les chiffres ne disant pas tout, le New York Times a conduit un sondage dont les résultats sont plutôt édifiants. Issus des meilleures universités publiques comme privées du pays, telles que Stanford, Cornell, Maryland, plusieurs diplômés déclarent avoir postulé à des dizaines voire des centaines d’offres d’emploi dans le secteur technologique auprès d’agences gouvernementales, d’entreprises, d’organisations à but non lucratif, mais sans aucun succès. Face à cet échec, d’autres ont dû se trouver un job dans la restauration rapide et autres secteurs du genre. Ce qui, hier, aidait à dépanner se trouve aujourd’hui comme le principal moyen de subsistance. Désillusion !
« Les étudiants en informatique qui ont obtenu leur diplôme il y a trois ou quatre ans auraient dû repousser les offres des meilleures entreprises, alors qu’aujourd’hui, ces mêmes étudiants ont du mal à trouver un emploi, quel qu’il soit. », constate Jeff Forbes, ancien directeur de programme pour l’enseignement de l’informatique et le développement de la main-d’œuvre à la National Science Foundation.
Les raisons de cet échec cuisant
Le salut par le code, cœur de la bonne nouvelle des évangélistes de la Silicon Valley depuis des années, est mort. Les cartes ont été redistribuées. Les jeunes découvrent qu’apprendre à coder simplement ne suffit plus.
Ce que les chiffres ne révèlent pas, c’est que les entreprises qui encourageaient hier à suivre une formation en programmation n’ouvrent pas leurs portes à n’importe qui : seule l’élite parvient à tirer son épingle du jeu. Si les critères de recrutements exclusifs n’ont pas fini de trier les candidats, des tests exigeants viennent clouer les derniers espoirs.
L’autre raison, c’est la saturation du marché. Au moment où il fallait suivre un cursus de trois ans pour maîtriser les concepts fondamentaux et profondément, des bootcamps intensifs accéléraient le programme. Le marché est dorénavant saturé et les entreprises n’ont plus le temps d’accepter des étudiants sans expérience et ne sont pas prêtes à offrir aux étudiants la possibilité d’acquérir de l’expérience.
Par ailleurs, internet a permis la concurrence internationale. Si les entreprises ne recrutent en freelance des professionnels asiatiques ou africains à moindre coût, les visas H-1B leur donnent cette possibilité. Ainsi, pourquoi payer 40 000 dollars US si l’on peut payer moins pour avoir les mêmes compétences ? Une réalité qui a accentué la pression sur les jeunes locaux et les a relégués, sans qu’il en ait forcément conscience.
Enfin, l’essor de l’intelligence artificielle a fini de porter un coup décisif à ce secteur. L’automatisation croissante et l‘amélioration des IA génératives de code ont accéléré les choses et donné une nouvelle manière de faire au secteur. Claude Code, Gemini 2.5 Pro, ChatGPT, Cursor et tutti canti, peuvent désormais faire en quelques minutes et en bien ce qu’un débutant mettrait des jours à faire. Et sans stage, ni le temps de faire des projets personnels, comment un débutant élèvera-t-il son niveau ?
